Le processus PNA au Sénégal: que tirer de la mise en place du PNA sectoriel et où en est-on aujourd’hui?

En produisant un Plan National d’Adaptation (PNA) pour le secteur de la pêche et de l’aquaculture​​​​​​​ en 2016, le Sénégal réalise une avancée importante en termes d’adaptation au changement climatique. Le Ministère des Pêches et de l’Économie Maritime (MPEM) est parvenu à mettre au point un PNA sectoriel entre septembre 2015 et octobre 2016, un an après le lancement officiel du processus PNA. La rapidité avec laquelle ce plan complexe a été élaboré suscite de l’intérêt pour l’adoption d’une approche sectorielle auprès des 120 pays émergents[i] engagés dans cet exercice de planification depuis les accords de Cancún. Alors, quels enseignements tirer de l’expérience sénégalaise et où en est aujourd’hui le processus PNA? 

La stratégie nationale derrière l’élaboration du PNA sectoriel

C’est en juillet 2015, suite à l’organisation d’un atelier de consultation sur le processus PNA​​​​​​​[ii], qu’il a été décidé d’initier un plan d’adaptation pour chacun des secteurs les plus vulnérables aux changements climatiques identifiés dans les Contributions Prévues Déterminées au niveau National​​​​​​​[iii]. Pour le secteur de la pêche et de l’aquaculture, c’est l’Agence américaine pour le développement international (US AID) qui a eu la responsabilité d’appuyer le processus à travers le projet « COMFISH ».

L’objectif recherché à travers cette stratégie est de permettre à chaque secteur d’identifier des besoins d’adaptation qui lui sont propres et de les intégrer dans la planification sectorielle. Comme l’explique Mme Diouf Sarr, cheffe de la Division Changement Climat du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD), « cela permet de réaliser des études approfondies et d’assurer que chaque secteur puisse s’approprier le processus PNA pour plus tard faciliter la mise en œuvre des options d’adaptation »[iv]. Le but, à terme, est de développer un plan d’adaptation basé sur les PNA sectoriels.

Cette manière de procéder n’est pas la plus répandue car la plupart des pays s’attèlent directement à la préparation d’un PNA multisectoriel. Toutefois, comme le rappellent les directives techniques​​​​​​​ du Groupe d’experts pour les pays les moins avancés (LEG), « la structure et le format des PNA varient d’un pays à un autre et peuvent inclure des plans sectoriels ou infranationaux »[v]. Il n’existe pas d’approche singulière valable pour répondre à l’ensemble des besoins d’adaptation d’un pays. Le cadrage doit être ajusté au contexte local pour aider les parties prenantes à évoluer en fonction de la donne climatique changeante. 

La phase préparatoire et le processus d’intégration verticale

Durant les mois qui ont précédés l’écriture du PNA sectoriel au Sénégal, un processus d’intégration verticale a été initié. Tout d’abord, les conseils locaux de pêche artisanale ont été consultés pour discuter des enjeux ambiants. Leur implication est importante car ils sont par la suite des acteurs de la mise en œuvre du plan. En parallèle, l’équipe de consultants en charge de la préparation du PNA sectoriel a analysé les six plans communaux élaborés en 2011 avec le soutien de USAID. Enfin, les mesures d’adaptation locales ont été synthétisées au niveau régional, via les Comités régionaux sur les changements climatiques (COMRECC), et national, grâce au Comité National sur les Changements Climatiques (COMNACC).  

Pour que ce processus d’intégration soit plus englobant, une cartographie des acteurs a été menée. Cela a permis d’identifier les différentes parties prenantes du proéminent secteur de la pêche et de l’aquaculture sénégalais. Il faut rappeler que la pêche maritime, à elle seule, représente près de 600 000 emplois et génère la plus grosse industrie exportatrice du pays selon un rapport​​​​​​​de USAID​​​​​​[vi]. Aussi, pour coordonner les avancées, des organes de concertation ont été mis en place. La Plateforme National sur la Pêche et le Changement Climatique (PNPCC) a notamment vu le jour pour faciliter la mise en œuvre et le suivi du PNA sectoriel. Simultanément, la Direction de l’Environnement et des Établissements Classés (DEEC) du MEDD a activement œuvré à la coordination des parties prenantes. 

Un des enseignements qui ressort de cette phase de préparation est l’importance de capitaliser sur des ressources existantes pour accélérer le processus et assurer son appropriation locale. L’avantage de développer un PNA sectoriel est de permettre une spécialisation plus affinée des mesures d’adaptation et en conséquent de renforcer l’ancrage local. Par ailleurs, il est essentiel d’établir des liens entre les différents niveaux de planification (local, régional et national) pour éviter les duplications et assurer une bonne allocation des fonds qui sont limités comparé aux besoins.   

Les défis de la mise en œuvre 

Une fois finalisé, le PNA sectoriel a été approuvé par les autorités compétentes et validé par les différentes parties prenantes concernées lors d’un atelier en 2016. Un document d’opérationnalisation du PNA a également été élaboré pour décliner le plan en programmes et projets concrets[vii].

Toutefois, comme tout exercice de planification de grande échelle, la mise en œuvre du plan rencontre des obstacles. Selon Mme Diouf Sarr, les principales difficultés proviennent de « l’intégration inadéquate des prérogatives d’adaptation dans les plans locaux, du manque d’appui technique pour supporter les initiatives décentralisées, de la faible production et diffusion d'informations sur le climat ainsi que des capacités limitées pour attirer, gérer et suivre les financements ».   

Plusieurs actions sont en cours pour y faire face. Des études et des formations sont par exemple organisées pour renforcer les capacités des acteurs clés concernant la planification, la budgétisation et les modalités d’accès à la finance climatique. Les centres de recherche locaux sont également sollicités pour contribuer à la production d’informations manquantes dans le domaine de l’adaptation. Enfin, la promotion du dialogue est fortement encouragée car, comme l’explique Mme Diouf Sarr, « la plus grande réussite du processus PNA au Sénégal est l’engagement de l’ensemble des acteurs ». 

Le processus PNA aujourd’hui 

En parallèle, les autres secteurs de l’économie sénégalaise ont développé leurs capacités d’adaptation, soutenus par différents partenaires. Mme Diouf Sarr explique qu’une répartition des donneurs par domaine d’intervention a été orchestrée. Trois donneurs ont principalement la charge de collecter les informations produites et de finaliser les plans. Il s’agit de l’Union Européenne, qui prépare le PNA de la zone côtière, et des fonds verticaux qui couvrent les autres secteurs. 

Le Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM), à travers le projet «  Plan National d'Adaptation (PNA) du Sénégal​​​​​​​» mis en œuvre par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), œuvre actuellement à la mise au point de quatre PNA sectoriels pour l’agriculture, la santé, les infrastructures, et la gestion des risques et des catastrophes naturelles. En parallèle, une nouvelle initiative « Programme d’appui à l’intensification de l’ambition climatique pour l’utilisation des terres et l’agriculture à travers les CDN et les PNA (SCALA)​​​​​​​ », financée par le Ministère fédéral allemand de l’environnement, de la conservation de la nature et de la sûreté nucléaire (BMU) et mis en œuvre conjointement par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le PNUD vient d’être lancée pour identifier des actions climatiques transformatrices dans les secteurs de l’utilisation des terres et de l’agriculture. 

Enfin, un projet financé par le Fond Vert pour le Climat (FVC) et mis en œuvre par le PNUD produira les PNA des secteurs des ressources en eau, de la biodiversité, de l’élevage et du tourisme. Le projet aura surtout pour objectif de produire, en trois ans, le premier PNA du Sénégal transversal à l’ensemble des secteurs. Ce dernier réunira les dernières projections climatiques en date et fournira une priorisation de l’ensemble des options d’adaptation des PNA sectoriels. Le document proposera également une stratégie de mise en œuvre des politiques, programmes et projets d’adaptation ainsi qu’un plan de mobilisation des ressources et de suivi des avancées pour inscrire les ces mesures dans le long terme. Somme toute, il permettra de coordonner à l’échelle nationale la réponse au changement climatique dont les effets sont, par essence, multidimensionnels.

 

Story by Thibault Le Pivain, Project Support Officer in Climate Change Adaptation, UNDP.

 

 


[i] NAP Global Network. (2019). The National Adaptation Plan (NAP) process/ How has the NAP process evolved since it was established. En ligne : http://napglobalnetwork.org/2019/12/the-national-adaptation-plan-nap-process-frequently-asked-questions/.   

[ii] UNDP. (2015). Supporting key sectors through the NAP process in Senegal. En ligne : https://www.gcfprojects-undp.org/supporting-key-sectors-through-nap-process-senegal-0

[iii] Les secteurs les plus vulnérables ont été identifiés dans les Contributions Prévues Déterminées au niveau National (CPDN). 

Ministère de l’Environnement et du Développement Durable (2015). Contribution Prévue Déterminée au niveau National (CPDN). En ligne : https://www4.unfccc.int/sites/submissions/INDC/Published%20Documents/Senegal/1/CPDN%20-%20S%C3%A9n%C3%A9gal.pdf

[iv] Madeleine Diouf Sarr (2020). Personnal communication (Written interview). 

[v] Groupe d’experts des pays les moins avancés. (2012). Plans nationaux d’adaptations. p 14. En ligne : https://unfccc.int/files/adaptation/cancun_adaptation_framework/national_adaptation_plans/application/pdf/naptechguidelines_french_high_res.pdf

[vi] USAID (2016). Fishing for food security. En ligne : https://pdf.usaid.gov/pdf_docs/PA00M1T3.pdf

[vii] Dr. Khady Sané Diouf et Mme. Fatou Thiaw (2018). Une approche sectorielle par la base du PNA : 4 leçons sur l’expérience Sénégalaise. En ligne : https://napglobalnetwork.org/wp-content/uploads/2018/01/Une-approche-sectorielle-par-la-base-du-PNA-senegal.pdf